Est-ce que cela vous est déjà arrivé de vous dire que vos scénarios improvisés gagneraient en cohérence si vous aviez des PNJ un peu plus travaillés ? Parfois, les PJ se lancent dans des directions que vous n’avez pas prévues, explorent des lieux improbables et cherchent à rencontrer des individus sortis du chapeau.
Dans ces situations, le MJ est en général déjà bien content, quand il arrive à sortir un nom, une espèce et une description sommaire des PNJ croisés. Mais il est une chose qu’il ne faut pas oublier : le sexe des PNJ !
Petite précision : nous parlerons ici avant tout de phénotype masculin ou féminin, et non d’orientation sexuelle ou de genre social (même s’ils peuvent également avoir une importance sur le scénario). Il sera encore moins questions de pratiques privées entre personnes consentantes.
Considérez la situation suivante :
Les PJ se sont orientés dans une zone d’entretien de la station spatiale, une aile de la base que vous n’aviez absolument pas prévue de décrire. Vous vous éclaircissez la voix et commencez à décrire la scène suivante : « Brum hum… Vous croisez… (tout en consultant fébrilement vos notes, vous jetez un dé et tirez une espèce aléatoire) un Bothan en salopette bleue, une clef à molette à la main, accroupi devant un pan de mur dont il a dévissé un panneau de revêtement. »
Ici, les PJ comprennent qu’ils ont affaire à un mécano ; mais cela ne va pas plus loin. Si vous optez plutôt pour la description suivante, la scène prendra une autre couleur : « Brum hum… Vous croisez… (Roulement de dés) une Bothane en salopette bleue, une clef à molette à la main, accroupie devant un pan de mur dont elle a dévissé un panneau de revêtement. »
Vous allez me dire que cela ne change rien… Et c’est vrai. Mais combien de MJ auraient pensé à féminiser le PNJ ? Pas tous, en tout cas. Car dans le doute, le masculin l’emporte encore souvent. Pourtant, dans la plupart des univers de JDR, le postulat de base est que les populations mâle et femelle de chaque espèce sont équitablement réparties.
Laisser le hasard décider
Ainsi, le simple fait d’alterner les sexes des PNJ donne à votre univers un peu plus de naturel et de concret. Rien de plus abstrait qu’un univers peuplé uniquement de figurants lambda de sexe masculin.
A quoi vous allez me répondre : non mais oh ! J’essaie déjà d’intégrer les choix stupides de mes joueurs dans le scénario, tout en leur décrivant à la volée des endroits complètement inutiles… Et il faut en plus que je fasse des PNJ cohérents ?
Eh bien oui, il le faut ! C’est votre boulot de MJ. Et vous allez voir que proposer des PNJ des deux sexes n’est pas un écueil. Il y a un moyen simple pour remédier à ce besoin : chaque fois que vous décrivez un nouveau PJ, trouvez un moyen aléatoire d’en définir le sexe. Le plus simple est encore de lancer une pièce de monnaie : pile pour les femmes et face pour les hommes (ou l’inverse).
Mais d’autres techniques marchent très bien aussi :
- Choisissez le sexe opposé du dernier PNJ que vous avez décrit. Cette méthode a l’avantage de respecter une parité stricte, mais si vos joueurs s’en rendent compte, vous devrez basculer sur une autre solution ;
- Si vous devez jeter un dé lors de la génération du PNJ, allouer les rôles des femmes aux résultats pairs et les hommes aux résultats impairs (par exemple, si vous jetez déjà un dé pour choisir l’espèce d’un personnage, sa classe ou son niveau) ;
- Tirez une carte d’un jeu de cartes traditionnels, et associez une couleur (rouge ou noir) à chacun des deux sexes ;
- De temps en temps, vous pouvez laisser les joueurs décider du sexe d’un PNJ, si cela peut avoir une importance à leurs yeux. Si vous pratiquez cette méthode, vous devez être prêt à laisser cette liberté aux joueurs pour n’importe quel PNJ, y compris les protagonistes récurrents de votre intrigue.
Notez que, dans toutes ces solutions, l’objectif est d’alterner les sexes tout en restant rapide et efficace : hors de question de laisser un blanc s’installer pendant que vous calculez mentalement les statistiques de répartition des genres dans votre scénario !
Truquer les chances
Parfois, laisser le sexe de vos PNJ au hasard n’est pas intéressant. Tout d’abord, cela vous prive d’une partie de votre créativité. Ensuite, cela ne devrait être qu’une solution de secours : si vous avez le temps de préparer votre scénario à l’avance, alors réfléchissez concrètement à l’appartenance sexuelle de vos PNJ. Au même titre que l’intrigue ou l’équilibrage des combats, cela peut donner de la profondeur et de la crédibilité à l’aventure.
En outre, si vous avez choisi à l’avance le phénotype sexuel de vos principaux PNJ, cela vous fera toujours gagner un peu de temps (lancer une pièce n’est ni discret, ni aussi rapide qu’une réponse claire ou une description détaillée).
Voici donc quelques conseils pour réfléchir un peu plus loin qu’un lancer de pièce :
- Pour les PNJ principaux, le sexe et l’orientation sexuelle peuvent avoir un impact sur l’intrigue (rivalité affective, famille et attachements personnels, flirts…). Vous devriez donc toujours y réfléchir à l’avance. Prévoyez autant de PNJ principaux masculins que féminins, si possible (sauf si cela est absurde, par exemple dans un royaume d’amazones) ;
- Lorsque vous préparez la fiche d’un PNJ, tirez aléatoirement son sexe, ou bien réfléchissez à quel genre est le plus souvent associé à ce type de personnage (les PNJ au foyer sont stéréotypés féminins dans un univers médiéval ; on voit plus souvent des cow-boys masculins dans les films, et Star Wars nous a montré peu de chasseuses de primes). Le cas échéant, inversez cette tendance. Si cela en fait un personnage vraiment exotique ou surprenant (une femme chevalier à Game of Thrones, un homme accoucheur dans Ars Magica), pensez à expliquer dans son historique et ses interactions, comment il ou elle en est arrivé là.
- Evitez les biais traditionnels qui consistent à faire des PNJ féminins des personnages fragiles et subtils, et les PNJ masculins des brutes sans cervelles : ce n’est flatteur pour personne !
Dans le flou
Notez aussi que définir à l’avance le sexe d’un PNJ ne fait pas forcément sens. Il peut y avoir plusieurs raisons à cela :
- Soit les PJ sont d’une espèce pour qui la binarité sexuelle ne fait pas sens (droïdes, espèces asexuée ou avec plus de trois sexes…) et ils auront alors des difficultés à le déduire quand ils croisent des humanoïdes ;
- Soit l’apparence physique et vestimentaire de leurs interlocuteurs ne permet pas de trancher dans l’une ou l’autre des catégories socialement reconnues ;
- Parfois encore, la luminosité ou d’autres facteurs environnementaux (des parasites sur un hologramme…) empêchent de saisir la nature et le sexe d’un personnage. Ce type d’obstacle à la perception ne sera que temporaire, mais conférera au PNJ une aura de mystère.
Dans ces différents cas, le fait que l’apparence d’un PNJ empêche de déterminer son sexe peut devenir une information intéressante en soi pour les joueurs. Cela peut révéler leur incapacité à percevoir les sociétés humaines. Cela signifie peut-être que le personnage est androgyne, hermaphrodite ou vêtu d’une manière vraiment extravagante (que ce soit sobre ou colorée, ou des vêtements trop amples). Peut-être qu’il a un visage féminin mais une armure lourde typiquement macho/phallocrate, ou qu’il s’agit d’une femme romaine en toge rouge de sénatrice : incluez ces informations dans sa description et transmettez-les aux joueurs, au même titre que la liste de ses armes !
Maintenir le flou sur l’identité d’un personnage, y compris son sexe, peut enfin servir l’intrigue. Par exemple, si les PJ savent qu’ils doivent rencontrer une femme Elfe, et qu’ils découvrent un parchemin griffonné, décrivant un personnage recherché par les autorités, mais que ce dessin ne représente qu’une silhouette encapuchonnée d’où dépassent deux longues oreilles, ils ne sauront pas s’il s’agit de leur contact, et commenceront à avoir des doutes sur leurs alliés…
Lasers & Sorcières 