Nouvelles-France lointaines

Nous vous proposons aujourd’hui une série de contextes historiques et de cadres d’univers pour représenter des colonies fictives Françaises, qui peuvent servir d’autant de décors atypiques pour des campagnes de jeu de rôle. Si vous voulez de l’exotisme, vous allez être servis !

Chacun de ces contextes se fonde sur des renseignements historiographiques fournis par Wikipedia, précisés en italique dans la suite de cet article. Bonne lecture !

L’île de Brasily (XIVe siècle)

Ce qu’en dit l’histoire

« En plein XIVe siècle, le roi de France Charles V agrandit les limites de Paris. Il fait édifier le château de Vincennes au-dehors des limites de la ville afin de pouvoir échapper aux éventuelles révoltes des bourgeois de Paris, comme ce fut le cas, avant son règne, avec leur représentant, le prévôt des marchands Étienne Marcel.

Il fait construire de nouvelles enceintes au palais du Louvre. De nouvelles salles princières et royales sont édifiées, notamment la fameuse bibliothèque de Charles V, la plus importante de toute l’Europe (grand érudit et amateur de livres) dont l’intérieur est réalisé avec un bois rare et exotique de couleur rouge, qui proviendrait du Brésil, selon les travaux de recherches de l’université Montpellier-III. »

Les bases de l’uchronie

Charles V a reconquis presque l’intégralité de la France et conclu un traité avec le roi d’Angleterre, mettant une pause dans la guerre de Cent Ans. Partisan d’un gouvernement efficace, il est aussi féru d’arts et de science, et souhaite une administration décentralisée. En outre, il dispose d’un maréchal compétent, batailleur et intrépide : Bertrand du Guesclin, et de milliers de mercenaires désœuvrés : les grandes compagnies. Tous ces éléments donnent les clefs nécessaires pour lancer une expédition de grande envergure. Historiquement, Charles V enverra son capitaine et ses routiers se dépenser dans la guerre civile de Castille. Mais que se serait-il passé s’il les avait fait monter sur une flottille de nefs, pour reconnaître et sécuriser la route maritime qui lui assurait un bois si précieux ?

Du Guesclin, à la tête d’une véritable expédition militaire, qui quitte le port de Bordeaux en 1365. Si la navigation est pour lui une nouveauté, il peut compter sur des capitaines expérimentés.

Le paganisme des autochtones du « Brasil » ne faisant aucun doute, il s’agit d’une authentique croisade, probablement entérinée par une bulle papale. Poussé à la foi par sa soif d’exploits, sa foi zélée et son désir de servir son roi, Du Guesclin ne reculera devant rien pour agrandir une fois de plus le domaine des Valois.

Après quelques accrochages avec les pirates barbaresques, les nefs Françaises longent les côtes Africaines, peut-être en suivant des marchands Portugais ou Génois, jusqu’à atteindre le Cap Vert et l’Empire du Mali. Qu’ils y aient reçu de l’aide ou des volées de flèches, ils poursuivent leur mission droit vers le soleil couchant, et abordent les côtes du Brésil pour la fête de l’Epiphanie, en 1366.

La conquête de cette nouvelle terre est rapide et sanglante, les mercenaires étant habitués au pillage et à une lutte inexpiable après tant d’années à lutter contre l’Anglois. La ville de Nouvelle-Vannes est rapidement fondée, en hommage à la capitale du duché natal de Du Guesclin, Breton de naissance. Il se révèle une fois de plus un habile tacticien, et bien que les chevaliers lourds de France ne soient guère efficaces en terrain dense, plateaux escarpés et forêts vierges, la plaine est à eux, et ils écrasent plusieurs coalitions d’indigènes. L’arbalète et les quelques exemplaires d’arquebuse emportés avec eux (et autorisés contre des indigènes non-baptisés) se révèlent terriblement efficaces. Plusieurs tribus autochtones voient d’un bon œil les changements en cours et s’associent aux vainqueurs en se convertissant, initiant un début de société métisse.

Caractéristiques locales

Le duché de Brasily est une possession florissante, le joyau de la couronne de France. Il fournit la moitié des cours d’Europe en bois de luxe, vendu à prix d’or. Quand Charles V meurt, en 1380, sa colonie est devenue un apanage héréditaire, attaché à la famille Du Guesclin ; c’est aussi une arrière-base qui peut fournir la métropole en ressources remarquables, que ce soit bois précieux, esclaves, or des Andes et autres épices en quantités jamais vues jusqu’ici.

La colonie s’étale sur une large superficie, si l’on inclut les établissements Jésuites qui se sont rapidement multipliés pour baptiser et éduquer les indigènes, et les peuplades qui paient tribut. Elle se divise en plusieurs comtés et baronnies. Elle initie des relations diplomatiques tendues avec un certain Empire Inca, qui lui fournit quantités de métaux précieux et échanges d’objets en fer ou d’étoffes. Une étrange épidémie commence cependant de décimer les Amérindiens, ce qui plonge les médecins et les prêtres dans la perplexité.

L’existence de cette colonie excite les rumeurs et la convoitise, et tant les Génois et Vénitiens que les Anglais peuvent prendre ombrage de sa prospérité, menant eux-mêmes des expéditions pour coloniser des terres voisines, ou pour s’emparer de Brasily.

La Baie-des-Français (XVIIIe siècle)

Ce qu’en dit l’histoire

« La baie Lituya est découverte le 2 juillet 1786 par Jean-François de La Pérouse qui la nomme « Baie des Français » ou « Port des Français ».

Dès leur arrivée, les Français sont entourés de pirogues remplies de peaux de loutres, de poisson et de petits meubles que les Indiens, manifestement très habitués à commercer, viennent échanger contre du fer. Ils portent tous en collier, dans un fourreau de peau tannée, un poignard en fer, qu’ils utilisent pour chasser l’ours.

La Baie Lituya dans toute sa beauté sauvage

Le chef des Tinglits vend l’île aux Français en échange de drap rouge, de haches, d’herminettes et de fer en barre : La Pérouse fait enterrer au pied d’une roche une bouteille avec une inscription relative à cette transaction et une médaille de bronze. Cette rencontre des indiens Tlingits de la baie Lituya en 1786 a fait l’objet d’une transmission orale, de chaman à chaman, qui a permis de conserver une mémoire collective précise de cet événement, deux siècles plus tard. »

Les bases de l’uchronie

L’expédition de La Pérouse n’a jamais été d’établir une colonie, mais plutôt de reconnaître, cartographier et étudier le monde. Cependant, il aurait été possible que certains de ses matelots soient tombés sous le charme des Indiennes d’Alaska, du climat clément et de l’abondance de la région. Quelques-uns auraient pu rester sur place pour maintenir de bonnes relations commerciales avec les indigènes, et peut-être amorcer une colonisation Française de la côte Pacifique.

Les événements de la Révolution Française mettront évidemment un terme à cette vague d’émigration, et il est peu probable que les quelques dizaines d’individus qui ont pu, par initiative personnelle, entendre parler de la Baie-aux-Français et décidé d’y émigrer, aient pu faire émerger un foyer de population européen. Mais leur présence durable aurait pu suffire à faire apprendre le Français et les rudiments des connaissances européennes en matière de techniques, de science et de religion. La vassalisation de cette terre aurait pu donner naissance à une colonie presque entièrement composée d’Indiens, mais Française de culture et de cœur. Située à l’autre bout de l’Amérique, cette terre loin de tout aurait pu représenter un espoir pour l’Ancien Régime, tout comme les rumeurs du royaume du prêtre Jean avaient galvanisé et encouragé les croisés au Moyen-Âge.

Suite au renversement de la monarchie et au guillotinage de Louis XVI, son frère exilé s’est embarqué sur un des derniers navires encore fidèles à la couronne des Bourbons. Dirigé par le jeune Chateaubriand, ancien officier de marine aventurier et rêveur, le prince de France s’enfuit d’Europe et, au terme d’un voyage éprouvant au cours duquel il rallie quelques indécis et émigrés éparpillés dans les comptoirs des Indes, il rejoint l’île Bourbon où il s’attache les services d’un capitaine corsaire plein de fougue : Surcouf offre alors son sabre et son navire à celui qu’on appelle désormais Louis XVIII, depuis que son neveu est mort dans la prison du Temple.

Le nouveau roi de France en exil poursuit son périple et met pied à terre dans la Baie-des-Français en 1796, retrouvant une population bien plus sympathique et enthousiaste que l’ingrat peuple de Paris.

Caractéristiques locales

Le monarque n’a aucun mal à instaurer un nouveau régime monarchique absolutiste, avec l’étonnante démonstration de puissance que font les canons de ses frégates, quand elles entrent dans la baie étroite et entourée de montagnes. Le monarque Louis XVIII est d’un naturel débonnaire, et il ne cherche ni à asservir, ni à tourmenter ses nouveaux sujets qui l’ont si bien accepté.

Pour l’instant, le royaume de Nouvelle-France ne fait que quelques arpents de forêts de pins, et compte plus de loutres et d’ours que de fidèles sujets très-chrétiens. Il ne dispose que de quelques vaisseaux, et l’essentiel de son économie est basé sur la traite des fourrures, d’une part, et sur la course contre les navires Anglais, d’autre part. Ses deux vaisseaux de guerre lui rapportent de larges butins, mais ils sont difficiles à écouler, sauf à mobiliser l’escadre pour un voyage commercial en Nouvelle-Espagne, ce qui exposerait le petit établissement Français en le rendant vulnérable.

Les débuts sont donc modestes pour le royaume de Baie-aux-Français. Mais qui sait ce qu’il deviendra dans les années qui suivront ? Il est probable qu’il recevra l’approbation et l’appui, sinon des Anglais, au moins des Espagnols, eux aussi dirigés par un roi Bourbon, et qui possèdent une Californie pachydermique, dont les frontières vont jusqu’à l’état de Washington… Quoiqu’il en soit, l’essor de cet îlot de monarchie dépendra largement :

  • De la faculté de Louis XVIII à pérenniser sa dynastie, que ce soit en adoptant un Amérindien, en rameutant un de ses parents en exil, ou en parvenant, au moyen d’un rituel chamanique, à guérir son impuissance;
  • Des moyens de maintenir en état les vaisseaux de ligne à sa disposition, sans un port de guerre digne de ce nom ni des ressources ou ouvriers qualifiés, un problème qui pourrait être résolu en passant un traité avec l’Espagne pour mouiller en Nouvelle-Grenade en cas d’avarie, ou en réussissant à provoquer un déplacement des rares colons Français encore présents en Louisiane, Acadie et Québec. De fait, la présence de Louis XVIII peut provoquer une révolte générale de la Nouvelle-France, et s’il fait preuve d’habileté et d’inspiration (des qualités qui lui ont fait défaut jusqu’ici), il pourrait restaurer et réunifier les établissements Français d’Amérique ;
  • Des dispositions que prendront le gouvernement de la Terreur / de la République Française, ou des volontés des couronnes britanniques et espagnoles, qui peuvent avoir ou non un intérêt à protéger une monarchie Française qui dispute le pouvoir à Paris. Le soutien de l’Autriche, de la Prusse et de la Russie seront probablement aussi faciles à obtenir qu’inutiles à solliciter, ces pays n’étant pas des puissances coloniales capables de protéger le destin de la Baie-des-Français.

Le royaume d’Araucanie (XIXe siècle)

Il ne s’agit pas à proprement parler d’une colonie Française, mais plutôt d’un état autonome amical ou vassal.

Ce qu’en dit l’histoire

« Antoine de Tounens est avoué à Périgueux à partir de 1851, mais cette situation lui semble monotone et il rêve secrètement de gloire et de donner à la France un territoire qui compenserait la perte du Canada et de la Louisiane. Au fil de ses lectures son attention se porte sur l’Araucanie et la Patagonie dont les territoires occupés par un certain nombre de tribus sont revendiqués par Le Chili (pour l’Araucanie) et l’Argentine (pour la Patagonie).

Il débarque le 22 août 1858 au port de Coquimbo au Chili, s’installe d’abord à La Serena, et, après avoir passé quelque temps à Valparaíso et Santiago, se dirige vers l’Araucanie, à partir du port de Valdivia. Il entre en contact avec le lonco (chef militaire mapuche) Quilapán qui lui accorde un droit de passage sur ses terres, interdites aux huincas (Chiliens).

Antoine de Tounens fonde le Royaume d’Araucanie et de Patagonie par deux ordonnances du 17 novembre 1860 et du 20 novembre 1860 dont il s’intitule le souverain avec le titre de roi, sous le nom d’Orélie-Antoine Ier. »

Son règne sera de courte durée. La France ne soutient pas son gouvernement et il dispose de peu de moyens. Capturé et condamné par les autorités chiliennes l’année suivante, il est rapatrié comme fou, et parviendra plusieurs fois, sans succès, de reprendre son trône, avec l’aide de divers aventuriers. L’opinion publique, la presse et les autorités se désintéressent de ses rêves de conquête. Il meurt dans une extrême pauvreté à Tourtoirac, dans le Périgord, en 1874. Le territoire Mapuche sera finalement arbitrairement scindé et réparti entre le Chili et l’Argentine.

Les bases de l’uchronie

Le gouvernement Français vient de nommer un nouveau président autoritaire, et l’histoire à prouvé que Napoléon III n’était pas homme à refuser son aide aux rêveurs ambitieux, puisqu’il enverra une expédition instaurer un empire au Mexique. Que se serait-il passé, s’il avait pris, bien plus tôt, la décision audacieuse de soutenir l’instauration d’un état satellite en Amérique du Sud ?

Pour tenir tête au gouvernement chilien, il aurait suffi de quelques fusils, peut-être un régiment et une canonnière. L’aide des Indigènes Mapuches aurait fait le reste. A cette période, la puissance des états indépendants d’Amérique du Sud est encore mal assise. Le Chili est dirigé par un gouvernement conservateur, en constante bisbille avec le Pérou et la Bolivie. Quant à l’Argentine, elle sort d’une dictature et sa république n’a que sept ans.

Même après la chute du Second Empire, les intérêts de la France pour ce territoire du Nouveau-monde ne changeront en rien, et la frénésie de la course aux colonies renforcera la nécessité de garder un pied-à-terre en Amérique du Sud, permettant de prendre le Brésil en tenaille avec la Guyane Française.

Enfin, des colons Allemands ont été appelés en masse pour coloniser le Sud du pays, et l’Angleterre nourrit de grands intérêts pour les mines de salpêtre et autres ressources souterraines de la cordillère des Andes. Autant de raisons qui peuvent pousser la France à prendre les autres puissances européennes de vitesse. A moins que le Brésil, ou plutôt Brasily, soit toujours une possession de la France ? (cf. premier contexte supra).

Caractéristiques locales

A la mort d’Antoine de Tounens, en 1874, son secrétaire particulier, Achille Laviarde, nommé premier ministre, lui succède sur le trône d’Araucanie sous le nom d’Achille Ier. Son règne commence à jeter les bases d’un état crédible, avec un projet de compagnie de chemin de fer.

L’Araucanie était un protectorat de l’Empire Français, et à ce titre, elle conserve une aide militaire conséquente, qui tient les troupes du Chili en respect. La tension diplomatique est à son comble, mais la promesse du roi Achille Ier de restituer à l’Espagne les territoires au Nord du fleuve Bio-Bio, en cas de conquête de Santiago, calme les ardeurs des Chiliens.

Le pays est en industrialisation à marche forcée, ce qui peut heurter la sensibilité et les traditions des indiens Mapuches, toutefois leurs principaux caciques occupent quelques postes clefs du gouvernement (garde des sceaux, ministre de l’intérieur) et les tribus n’ont pas été dépossédées de leurs terres : bien au contraire, elles touchent des dividendes des concessions cédées aux chercheurs d’or Européens.

De nombreux immigrants Irlandais préfèrent embarquer pour ce petit royaume Catholique, plutôt que pour les USA largement Protestants. Tous ces facteurs font de l’Araucanie un pays qui dépassera bientôt la population, les revenus et la puissance de tous ses voisins, en dépit de sa superficie modeste.

Mieux vaut l'action que vaines palabres...